Résumé des épisodes précédents pour ceux qui arrivent seulement : ma DRH refuse que je souscrive une assurance santé privée en remplacement de l'assurance-maladie "standard" des salariés (ce qui impliquerait qu'elle me reverse les cotisations dites "sociales", plus la CSG et la CRDS). Après avoir écrit plusieurs lettres l'an dernier, je me suis décidée à faire intervenir un avocat.
Après un échange de lettres par lequel mon avocat a fait valoir les arguments en faveur du libre choix par le salarié de son assurance santé (parmi ces nombreux arguments : l'affaire
C-206/98), mon employeur a décidé de faire le mort et a cessé de répondre. L'avocat déconseille la réplique juridique aveugle (et un peu trop audacieuse) qui consisterait à attaquer en justice mon employeur pour "
complicité de tentative d'extorsion de fonds" (puisqu'il détourne de l'argent qui me revient, voir
anatomie de ma feuille de paye). Il recommande donc à présent d'attendre.
Que faire pour décider ma DRH ?
Ecartons les solutions aléatoires telles que demander à un grand marabout africain connu dans tout le 9-3 de pratiquer un envoûtement, ou aller clouer une chauve-souris ou un rat mort sur la porte du bureau du DRH, ou encore aller directement l'insulter voire le gifler (risque : licenciement pour faute grave, sans indemnités -
«cette harpie a essayé de m'arracher les yeux, elle criait tout le temps "rendez-moi mes sous !" »).
Ecrire encore une lettre, une de plus ? Un des membres de notre forum avait opté en désespoir de cause pour une lettre du type suivant (l'idée était d'essayer de faire comprendre à l'employeur que c'était le salarié qui prenait sur lui tout le risque) :
Suite à ma demande au sujet de la résiliation de mon affiliation à la caisse primaire d'assurance maladie de [département] en date du [date], ayant souscrit une assurance maladie auprès de l'organisme xxx (agréé pour couvrir le risque maladie du régime légal de sécurité sociale français), vous ne m'avez pas reversé les parts correspondantes de mon salaire ; c'est pourquoi je vous somme ce jour d'exécuter cette demande compte tenu de:
- point 2 de l´article 141 (ex article 119) du traité d´Amsterdam concernant la propriété de plein droit du salaire d'un employé ;
- article 400 du code pénal concernant le délit d'extorsion de fonds ;
- entrave à l'exercice d'un droit ;
- qu'il est établi que toute personne résidant en France a le droit de s'assurer pour le risque maladie auprès d'un des organismes agréés pour remplir les obligations du régime légal de sécurité social français ;
- compte tenu des statuts des organismes gérant le risque maladie dans le cadre du régime légal de sécurité sociale qui les obligent à se conformer aux directives (ainsi qu'aux codes des assurances, de la mutualité, de la sécurité sociale et à être agréés), la CPAM de [département] (qui n'est pas un organisme public) ne peut légalement rejeter ma demande de résiliation et son mandataire l'URSSAF ne peut sans mandat me concernant vous astreindre à enfreindre mes droits de propriété sur la rémunération que je perçois en tant que salarié de votre établissement.
Il appartient à la CPAM de [département] et à l'URSSAF de me poursuivre personnellement pour m'astreindre à donner une part de mon salaire qu'ils considéreraient comme leur propriété sans mon consentement ("assujetti" : il me semble que l'esclavage est aboli).
D'autres solutions pas très brillantes :
- le chantage à la démission (mais il faut être prête à quitter la société, et ne pas se contenter de bluffer)
- se mettre en grève - oui mais la grève individuelle est illégale dans ce pays, elle doit être liée à un mouvement national ou collectif ! Tout ce qu'on risque si on se lance dans cette voie c'est le licenciement pour abandon de poste (sauf si on est un fainéant de syndicaliste qui a trouvé le bon filon pour glander aux frais du patron).
Autre solution : puisque pour les indépendants il est assez facile de quitter la sécu,
devenir indépendante (personne physique immatriculée au registre du commerce) ! Mais c'est un changement important de statut ; il faut aussi que l'employeur soit d'accord à me "réemployer" comme indépendante ; de plus, c'est assez mal vu par les esclavagistes de la France d'en-haut qui nous gouvernent : à cause du lien de subordination entre l'entreprise et la prestataire il y a un risque de se voir "requalifiée" en salariée sous prétexte qu'on est une fausse indépendante et une vraie salariée camouflée. Et là c'est à nouveau l'employeur qui est amené à payer les cotisations prétendument dues.
Beaucoup de professionnels préfèrent d'ailleurs exercer leur activité sous la forme d’une société pour éviter ce risque, ce qui leur permet en outre d'échapper totalement à la sinistre SS (ils se rémunèrent en dividendes plutôt qu'en salaires et prennent une assurance privée).
Autre solution, à laquelle je pense constamment : l'expatriation. Pourquoi continuer à subir le vampirisme étatique en France alors qu'en Angleterre je pourrais gagner 50% de plus ? Mais une expatriation, ça se prépare. Ou bien il faut attendre l'occasion en or qui la justifierait.
Un membre de notre forum m'a écrit ceci :
Je porte à votre réflexion un aspect que vous n'avez peut-être pas envisagé dans votre relation avec votre DRH. Travaillant moi-même dans les ressources humaines, j'ai quelque idée des pensées qui doivent l'animer au cours de ses nuits sans sommeil.
Le premier point est qu'à mon avis, il n'était absolument pas au courant de la fin du monopole de la SS avant votre courrier. En matière juridique, les DRH ne passent pas leur temps à éplucher le Journal Officiel et à interpréter les textes sortis ; ils sont plutôt abonnés à des revues présentant périodiquement des synthèses sur les nouvelles réglementations. Or il est certain qu'hormis les analyses de Claude Reichman et de Conscience Politique, qu'on ne consulte généralement pas "par hasard", aucun des périodiques spécialisés n'a osé pousser l'analyse de la législation jusqu'au bout et proclamer la Vérité au sujet de la fin du monopole de la SS. [pourtant l'Entreprise l'a fait récemment].
Le second point est qu'après vos échanges de courriers, vous êtes peut-être parvenue à convaincre votre pauvre DRH. Mais à ce moment là, il se voit contraint d'adopter l'attitude que je suis moi-même contraint d'adopter : il évite les ennuis avec les URSSaf.
En effet, si tous les arguments défendus sur votre Blog et sur le Forum "Quittons la sécu" se tiennent, notamment le fait que les URSSaf évitent de passer à l'acte au final pour forcer l'adhésion, il n'en reste pas moins que cet abandon n'intervient, selon ceux qui en témoignent, qu'après plusieurs mois de procédure contentieuse.
Cette procédure ne fait peut-être pas peur à un travailleur indépendant, mais elle peut faire réfléchir une entreprise.
Mettons-nous à la place du DRH, qui généralement est salarié tout comme vous et peut perdre son emploi aussi : il passera plusieurs mois à demander à son PDG de ne pas s’inquiéter, à lui dire que les commandements de payer de l'huissier sont illégaux, et que l'affaire va s'étouffer d'elle-même, et que les comptes de l’entreprise n’auront en aucun cas à souffrir de cette amusante altercation avec l’Administration.
Ce premier combat est déjà bien courageux : sachant l'autorité que peut avoir le courrier d'un huissier, le DRH sera sans doute convoqué dans les 5 minutes de la réception du courrier pour justifier du non paiement des cotisations SS de Mlle Allibert.
Bon admettons : le PDG lui donne carte blanche. La société continue régulièrement à recevoir de gentils courriers, faisant regretter un peu plus chaque jour au PDG d’avoir recruté ce DRH, et lui lançant quand même de temps en temps : « un jour, ça finira mal ! ».
Quand bien même il serait parvenu à conserver la confiance aveugle de sa direction jusqu'à ce que les URSSaf abandonnent (après un contentieux au TASS, rappelons-le), il reste le second effet Kiss Cool : le contrôle et le redressement URSSaf.
Il ne faut pas s'imaginer que les URSSaf vont s'arrêter en si bon chemin, elles vont attendre quelques mois, « wait and see », et envoyer un charmant recommandé : « dans 15 jours, notre contrôleur aSSermenté va venir éplucher toutes vos données sociales au cours des 3 dernières années. Vous êtes prié de lui réserver le plus charmant accueil et de lui assurer toute votre Collaboration, et de mettre de l’ordre dans vos archives car la photocopieuse va tourner plein pot ».
Certes, ce contrôleur ne reviendra plus sur les cotisations de Mlle Allibert, mais les contrôleurs URSSaf ne repartent jamais les mains vides. La législation sociale est si complexe qu’il n’est pas possible de tout prévoir.
L’entreprise où vous travaillez risque donc de se voir notifier un redressement salé, et le DRH va devoir s’expliquer à son patron. Le patron saura d’ailleurs bien lui dire « je vous avais pourtant demandé de ne pas jouer avec les URSSaf ». Ce redressement aura été indirectement causé par l’acceptation par votre DRH de votre requête.
A sa place, que feriez-vous ?
Je comprends bien la position du DRH, d'autant plus que dans mon cas, c'est plus de 40000 salariés qui risqueraient de s'engouffrer dans la brèche ! Mais je suis persuadée que mon entreprise est tout à fait au courant de la fin du monopole, depuis longtemps. Effectivement on peut penser qu'ils ne veulent pas d'ennui avec les esclavagistes d'en-haut et se moquent bien des droits d'une salariée isolée. Pourtant de par leur taille et leur personnel spécialisé (des services juridiques et des services de RH plus que pléthoriques !), ils ont assez peu à craindre des URSSaf. C'est donc de la mauvaise foi et un alignement idéologique complet sur le
mensonge d'Etat. Cela durera ce que cela durera, on peut parier que dans quelques années la situation sera bien différente, mais d'ici-là que faire ? Patienter ou préparer sa valise ?